Le Roi VAVAL.
Mais au royaume de VAVAL les femmes sont les vraies reines. Si leurs atours de TOULOULOUS cachent le moindre espace de chair, elles vibrent de sensualité secrète dans les nuits chaudes des universités de danse.
Roi sage, VAVAL célèbre toutes les races et toutes les cultures de la Guyane. Grâce sereine des Créoles, sensualité majestueuse des Brésiliennes, force énigmatique des Negs-Marons. A ces derniers, hommes libres entre les hommes libres pour avoir les premiers brisés les chaînes de l’esclavage et reconquis leur liberté les armes à la main, VAVAL confie sa police et la sauvegarde des TOULOULOUS.
Chaque TOULOULOU est un mystère et une invitation. Mystère du masque et des formes abolies par la robe chatoyante, invitation du regard brillant d’une liberté sans autre limite que celle de la nuit.
Si les universités de danse sont ses palais, la rue est le royaume de VAVAL. Roi fou de liberté, il révèle à chacun de ses sujets un autre lui même. Par la magie des costumes élaborés avec patience et passion, par la vertu des libations, entamées entre amis dès le vendredi soir, poursuivies jusqu’au dimanche, au gré des bals, des bars, des rues, des rencontres.
Car VAVAL est mémoire, et VAVAL est histoire: mémoire d’un peuple tordu de rire à l’évocation burlesque d’une succession de temps tragiques. Tragédie de l’esclavage et des champs de cannes gagnés sur la jungle, tragédie si proche et centenaire du bagne. Renversant l’ordre absurde du passé, VAVAL restaure dans la liesse et l’excès, la dignité de l’homme.
En Guyane où tout est couleur, le blanc est synonyme de deuil: devenues diablesses, les TOULOULOUS se lamentent. VAVAL va périr victime de ses excès, de ses irrévérences. De la raison aussi qui rend aux dames formes et visages, les privant de leur liberté et renvoyant les hommes à leurs désirs inassouvis. Mais VAVAL est roi et feu-folet. Alors sa mort flamboie de tous les regards hardis, de tous les chatoiements des TOULOULOUS. Une mort en majesté qui brille comme un espoir.
Un peu d'histoire.
Chez les grecs et ensuite chez les romains, ces célébrations ont pris le nom de Bacchanales et Saturnales, et dans ces banquets bruyants la grande liesse des buveurs leur faisait perdre la raison et les plongeait dans l’Orgie. Par la suite, ces fêtes païennes ont été relayées par les Dionysiades (en l’honneur de Bacchus), les Lupercales (en l’honneur des troupeaux) et les Matronales (en l’honneur des femmes mariées et des matrones). Ces dernières, compte tenu de leur déroulement avec le plus grand libertinage devaient être supprimées par le Christianisme, mais les ripailleurs et fêtards de tous poils n’entendaient pas cela de cette oreille. Ainsi, pour arrêter leur colère et éviter la violence, l’Eglise, pour “acheter la paix sociale”, ne permit-elle pas qu’avant le carême, les citoyens puissent se laisser aller à la démesure ou aux débordements ?
Dans ce contexte, on trouve les mots les plus anciens Carnelevarium, Carnelevale, Carnal et Carnestolendas qui se rapportent à ces périodes mais qui ont tous pour racine caro, la chair. Ainsi, pendant les Dimanches, Lundi et Mardi gras, on avait le droit de se goinfrer de viandes, mais après, attention ! C’est ainsi que de ces vocables, celui de CARNAVAL nous est transmis par l’oralité et la tradition populaire. Alors, certains le sollicitent dès les premiers jours de l’hiver ; d’autres le poussent à aller jusqu’à Pâques, mais d’une manière générale, le CARNAVAL se situe entre l’Epiphanie, jour où les Rois Mages ont connu l’Enfant Jésus, et le mercredi des Cendres qui succède au Mardi gras.
D’autre part, l’histoire a vu dans cette organisation une résistance contre les pouvoirs : pouvoir de l’Eglise sur sa communauté chrétienne et pouvoir institutionnel sur tout citoyen. Alors le processus semble s’intégrer à la mise en place du calendrier chrétien sur la base d’un compromis. C’est ainsi, que pendant la durée du CARNAVAL, est établie une inversion de l’ordre social au profit d’un ordre provisoire grotesque, placé sous l’autorité d’un roi de la fête, ici en Guyane française, le ROI VAVAL. Ainsi, en soirée, dans une grande manifestation publique, la veille de l’Epiphanie, les clés de la ville sont remises à ce Roi éphémère, qui durant son règne libère les corps, les sens et les esprits et autorise la foule à envahir les rues des villes et des villages dans un environnement social réel. Puis, avant que le ROI VAVAL ne périsse brûlé en place publique, victime de ses excès, spectateurs et carnavaliers évoluent en communion dans une liesse populaire, facteur ici de cohésion sociale.
LES JOURS GRAS - Le dernier dimanche du Carnaval.
C’est là, que plus de 2000 figurants, composant plus de 30 groupes, défilent à pied ou en chars au son de chaudes ambiances musicales exotiques. A cette occasion est organisé le concours du groupe carnavalesque qui incarne le mieux la tradition. Dotée de nombreux prix, dont le plus important est celui de représenter pour un an le Carnaval de Guyane, cette « grande parade » a contribué à l’obtention de la quatrième place des Carnavals dans le monde, du fait de sa durée et de sa très importante participation populaire.
Lundi des mariages burlesques.
Cette métamorphose que nous permet ici le Carnaval contient peut-être des jeux équivoques qui ont été souvent condamnés par l’Eglise. Mais ce ne sont pas les Guyanais qui ont innové l’introjection. Au XVII° siècle, à la cour même de Philippe IV où les citoyens étaient férus de logique et obsédés par les questions de religion, cette habitude était établie.
Mardi des diables rouges.
La présence des diables dans le carnaval guyanais est en relation étroite avec l’évangélisation chrétienne qui a été imposée aux esclaves. En effet, les missionnaires qui instruisaient les esclaves ont utilisé ce thème du diable pour leur faire peur et décrire la lutte entre le bien et le mal. Mais cette évocation est bien là pour indiquer que VAVAL est bien une fête païenne.
Mercredi des Cendres - Mort du Roi VAVAL.
VAVAL est condamné a être brûlé vif sur la place publique pour s’être amusé sans vergogne, pour avoir chanté et dansé sans retenue dans les rues, pour ses démesures, pour ses effronteries, pour ses refrains irrévérencieux.
Costume traditionnel - Le TOULOULOU
Après 1848, la liberté proclamée, ces populations aspirent à une identité nouvelle et à bâtir une nouvelle société. Alors les esclaves libérés ont pris l’habitude de se déguiser avec les affranchis. Ainsi, ils ont augmenté l’éclat de leurs festivités et commencé à s’intéresser aux costumes à reflets chatoyants sous la poussée d’une contre-culture, qui procédera, avec une habileté raffinée, à modifier danses et costumes.
Les masques seront alors des comtesses, des marquise, des colombines, des fées que la magie du satin, du doré, du velours aura séduit. Mais ces manifestations qui se déroulaient dans de brillants salons ont éveillé la méfiance des planteurs. Ainsi, pour rompre avec ces habitudes, il fallait les faire descendre dans la rue.
Donc c’est bien dans la rue que le Carnaval s’est mis à parodier les anciens labeurs et les dures besognes de l’esclavage ainsi qu’une bourgeoisie opulente, sous les masques poudrés, ou les loups noirs et rouges.
De là est né un Carnaval spécifiquement guyanais, le Carnaval de rue, le Carnaval du peuple, dont le TOULOULOU est le plus vivant emblème et la Reine qu’il fallait donner, l’espace d’un règne éphémère, au ROI VAVAL.
Costume traditionnel - Les coupeuses de cannes.
Mais ici, ce costume participe à l’écriture de l’histoire de la Guyane et du Carnaval. En effet, rappelant l’époque de l’esclavage, les coupeurs de cannes défilent en groupe torse nu, pieds nus, vêtus d’un pantalon en grosse toile et armés d’un sabre d’abattis. Ils sont accompagnés de coupeuses qui sont en tenue « rivière salée » ou en « négrier ».
La tenue de négrier implique le port du grand chapeau bakwa ou arouma. La robe, large et longue a des poches, et les manches sont longues ou trois-quarts. Un grand mouchoir couvre le corps en diagonal avec à la hanche un gobelet métallique. Les coupeuses portent un sabre d’abattis et une belle canne à sucre.
Costume traditionnel - Le jé farine.
Cette tenue est un produit local qui parodie la fée Mélusine, la fée de l’abondance, il symbolise la vie, la joie de vivre, la gaieté. S’il asperge peu l’assistance dans ce contexte, il se transforme volontiers en fée Carabosse, vilaine et revêche. Alors dans ce cas de figure, il aime à poursuivre les enfants qui le narguent.
Ainsi s’engage une folle course-poursuite qui se termine, quand cela est possible, par un copieux barbouillage à la farine du visage du provocateur.
Costume traditionnel - Le bobi.
Cet animal hybride, danse et se roule sur le sol à la demande, s’il refuse il est roué de coups.
Costume traditionnel - Le boeuf.
Le bœuf du Carnaval a bien mérité sa place dans les thèmes de déguisements, car il a beaucoup alimenté l’observation des anciens qui l’ont gratifié de nombreux proverbes guyanais : kôrn pa tro lou pou béf
( les cornes ne sont pas trop lourdes pour un bœuf), en rapport aux cornes attribuées à ceux qui subissent l’infamante infidélité de leur conjoint.
Les Guyanais aiment dire béf gras (bœuf gras) pour désigner ce bœuf du Carnaval qui d’autre part rappelle le veau gras de l’antiquité et les défilés au milieu des bouchers de la ville sous Monarchie et Empire.
Costume traditionnel - L'Anglé bannann.
Un grand nombre de ces personnes qui trouvaient leurs origines au sein d’une culture anglo-saxonne étaient attachées à leurs traditions vestimentaires. C’est ainsi qu’à l’occasion de cérémonies, sous l’implacable ardeur du soleil, ils portaient en transpirant abondamment mais dignement, la redingote en queue-de-pie ou queue-de-morue dénommées « paspété », car largement fendue sur le postérieur, et le chapeau haut de forme « bisbonm ». Cette situation a été très rapidement caricaturée pour devenir le costume incontournable du Carnaval guyanais.
L’anglé bannann marche souvent la redingote pliée sur l’épaule. Il lui arrive d’envoyer brusquement cet habit loin de lui pour engager une course à perdre haleine avec les individus qui souhaitent s’en emparer. Car selon la vieille coutume guyanaise, cette lévite est mise en jeu et est attribuée à celui qui a eu le temps de la ramasser, ce qui n’arrive presque jamais.
Costume traditionnel - Soussouri ( la chauve-souris )
Vêtue d’un justaucorps noir couvrant la personne de la tête au pied, elle est équipée de grandes ailes qu’elle referme sur les enfants rattrapés à la course. Quand elle les ouvre, elle marche armée d’épingles pour piquer.
Le temps faisant, l’envahissant Arlequin venu d’Italie s’est glissé dans la peau de soussouri pour lui apporter des couleurs plus gaies afin de la métamorphoser en un personnage plus agréable.
Costume traditionnel - Les zombis.
Ce thème qui est venu d’Afrique dans les cales des bateaux négriers a pris le sens de revenant malveillant, d’esprit malin sur les terres antillaises où il a pris cette appellation.
Suivant la tradition, le zombi reste en Guyane un des mauvais esprit de la forêt tropicale qui vient danser la nuit autour des fromagers, arbre fétiche dans les rites magico-religieux. Alors que son évocation en période normale est source de méfiance, sa présence dans le Carnaval le banalise, car durant cette période on ne craint ni les vivants, ni les morts.
Costume traditionnel - Lanmo ( La mort )
Lanmò vòlò lanmò est une expression du Carnaval guyanais qui défie la mort et qui invite son représentant masqué à poursuivre les audacieux provocateurs. Sous ce costume, lanmò erre en bande à la recherche d’une victime pour l’envelopper fortement dans son drap blanc comme pour l’étouffer.
Costume traditionnel - Le nèg marron.
Ici il circule presque nu, le corps enduit d’huile noire colorée à la suie, vêtu d’un pagne ou kalimbé rouge, un bandeau rouge sur la tête et à la bouche le fruit rouge de l’awara, oléagineux symbolisant la force du marronage, la liberté dans les grands bois, la contestation de l’esclavage.
Il est utilisé pour assurer le service d’ordre du Carnaval de rue ou faire une haie d’honneur aux groupes masqués, car il noircit génreusement celui qui entrave son passage.
Costume traditionnel - Les balayeuses.
Les balayeuses font partie intégrante du Carnaval, car elles rappellent les bons usages dans les familles guyanaises
Costume traditionnel - Les vidangeurs.
On entendait dans la nuit profonde l’arrêt des buffles puis le départ de la charrette qu’ils tiraient.
Costume traditionnel - L'Arabe et l'Annamite.
Ces hommes qui, malgré eux, ont meublé la vie guyanaise, représentent un chaînon de l’histoire de ce pays.
Costume traditionnel - Caroline.
Costume traditionnel - L'Indienne.
Attachés à leurs coutumes ancestrales, tintées de mystères, leurs costumes de cérémonies hauts en couleurs, ont toujours fait l’admiration des habitants des grandes villes.
Incontournables - Les Brésiliens.
Magnificence des chars, richesse des costumes, sensualité majestueuse des Brésiliennes, ambiance exceptionnelle, déferlent une fois par an sur la vague carioca qui transforme en samba-drome la plus belle avenue de Cayenne.
Les TOULOULOUS du samedi soir - Le bal paré-masqué.
Tout d’abord, il est précisé que le mot français tourlourou, appellation donnée par plaisanterie aux soldats d’infanterie du début du siècle dernier, a inspiré la langue guyanaise sous la forme d’une métathèse du « r » de la première syllabe : trouloulou. Puis le terme est devenu TOULOULOU pour indiquer une tenue qui défraye la chronique. Où est passé le « r » de la prononciation ? C’est VAVAL seul qui peut-être le sait.
La deuxième explication, qui semble mieux convenir à la situation, souligne, que les dames qui se présentaient dans les salles de danses ou dans les salons privés le faisaient dans la tradition du Carnaval, qui exige le port d’un masque ou d’un loup. Ainsi, et afin de choisir le cavalier préféré, ces hétaïres improvisées parcouraient plusieurs fois la piste de danse en décrivant des tours. Ceci incitait leurs spectateurs à dire que le loup fait des tours, ou qu’il fait le "tour le loup". Par la suite, un défaut de prononciation fait disparaître le « r ». Enfin une approche phonétique liée à l’oralité, donne l’appellation TOULOULOU qui est usitée aujourd’hui.
Le bal paré-masqué ne se danse que le samedi soir dans « des universités » où l’ambiance surchauffée au rythme de biguines ou djouk à damner tous les saints, vous emporte jusqu’aux premières lueurs du soleil. Le Carnaval moderne a supprimé le déguisement des hommes qui se rendaient dans ces établissements pour laisser place aux TOULOULOUS du samedi soir qui sont les Reines de ces torrides nuits amazoniennes.
C’est donc pour protéger scrupuleusement leur anonymat que les femmes qui se rendent dans ces « universités » se travestissent de la tête au pied avec gants, masques et cagoules. Elles se griment ainsi pour que n’apparaisse le seul millimètre de peau qui pourrait les trahir. Même la voix est modifiée, et certaines se rendent muettes. Sous ce maquillage, les TOULOULOUS envahissent un peu avant minuit les pistes de danses pour griser, l’espace d’une danse, les cavaliers d’un soir qui auront attendu patiemment pour devenir l’élu de la soirée…
Dans les « universités » du samedi soir, ce sont de véritables concours d’élégance qui sont improvisés, car les costumes des TOULOULOUS rivalisent de fantaisie et de beauté. Ils sont confectionnés avec des matières nobles, satin, velours, or et pourpres pour le plus grand bonheur des danseurs qui retrouvent dans ces sensuelles courtisanes d’un soir la sensibilité d’un peuple et d’un pays où une réelle qualité de la vie l’emporte sur la morosité.
Le vidé.
C’est au petit matin du bal paré-masqué du samedi soir que l’orchestre quitte la scène pour entraîner à sa suite danseuses et danseurs afin d’exécuter dans la rue les dernières notes de musiques, et permettre au dernier carré de fêtards de se disloquer.
Le vidé est ainsi organisé. Initialement ce dernier se déroulait à pied. Mais les orchestres actuels qui utilisent de nombreux matériels à sonorité électrique doivent se jucher sur la plate-forme d’un camion pour faciliter leur déplacement. Dans le Carnaval moderne, ce moyen de déplacement transporte les orchestres dans la rue les dimanches après-midi. Installés en fin de cavalcade, ils entraînent à leur suite une foule délirante qui se disloque dans la nuit naissante pour boire un dernier verre et continuer la fête entre amis.
Election de la Reine du Carnaval.
Ce concours permet aux créateurs de costumes carnavalesques guyanais de rivaliser d’ingéniosité et d’originalité pour l’emporter. Toutes les extravagances sont autorisées, à une condition, que la tenue finale puisse être portée sans assistance par son occupante. Il ne faut pas manquer ce show, haut lieu de la tradition du Carnaval de Guyane.
Orientation bibliographique :
VAVAL – L’histoire du carnaval de la Guyane française.
Collection Guyane découverte – Ibis rouge édition 2000 – http://www.ibisrouge.fr
Auxence CONTOUT ( universitaire et folkloriste guyanais) considère ses ouvrages comme des messages de la tradition. Grâce à ces messages,estime-t-il, les chercheurs de l’avenir pourront se hausser sur mes épaules pour voir plus loin que moi.(sic)
Renseignements :
- Fédération des Festivals et Carnaval de Guyane rue des Mandarines – centre socioculturel de Mirza
B.P. 9135 – 97391 Cayenne Cedex 02
tél. 05 94 31 82 05 – fax. 05 94 30 06 69
- Comité du Tourisme de la Guyane (C.T.G.) 1 rue Clapeyron – 75008 Paris – tél. 01 42 94 15 16
12 rue Lallouette – B.P. 801 – 97338 Cayenne Cedex – tél. 0594 29 65 00
http://www.tourisme-guyane.com
- Office de Tourisme de Saint-Laurent-du-Maroni
B.P. 240 - 97393 Saint-Laurent-du-Maroni Cedex
Tél. 05 94 34 23 98 - E-mail: infoslm@wanadoo.fr
Cette année (2013) le Carnaval de Guyane a débuté le 02 janvier et s'est terminé le 13 février
Pour consulter l'album photo - Carnaval de Guyane, cliquez ICI