La mise en place des établissements pénitentiaires spéciaux ( E.P.S. )
La Guyane et l'Inini en 1930
1 - La création du Territoire autonome de l’Inini.
La troisième décennie du XX° siècle fut pour la Guyane une période de marasme économique et de fièvre politique. En effet, après l’effondrement des cours des principaux produits d’exportation ( balata, or, essences de bois de rose, rhum ) le pays allait être secoué par les tumultueuses campagnes législatives, mettant aux prises les partisans de Lautier et les sympathisants de Jean Galmot.
Après la mort troublante de ce dernier en 1928, il s’avérait matériellement impossible de remettre le pays en valeur, tant les politiques qui influaient sur les esprits et les membres du Conseil Général étaient divisées.
Aussi les débats à l’Assemblée Nationale sur la situation économique de la Guyane soulignèrent que le redressement de la colonie ne pouvait se faire que de l’intérieur. C’est-à-dire, d’un territoire qu’il convenait de créer dans l’hinterland guyanais, et qui en outre ne serait pas soumis au contrôle du Conseil Général.
C’est ainsi, qu’une première loi ( loi du 19 mai 1930 ) dotait ce futur territoire d’une subvention de deux millions de francs pour la réalisation d’un programme de mise en valeur, et l’établissement immédiat de deux postes administratifs.
Le décret instituant le Territoire de l’Inini parut au journal officiel le 6 juin 1930. Ce décret énonçait « le territoire serra une unité administrative autonome, placée directement sous l’autorité du gouverneur de la Guyane chargé des fonctions de gouverneur de l’Inini. Il aura la responsabilité civile, son budget propre élaboré et approuvé par décret (subventions de l’Etat).
Ce territoire relèvera au point de vue judiciaire des tribunaux de la Guyane. Il sera administré par des fonctionnaires placés sous les ordres du gouverneur de la Guyane ». Après une délimitation précise du territoire de l’Inini, le décret ajoutait « Le gouverneur de la Guyane, chargé des fonctions de gouverneur de l’Inini, sera assisté d’un conseil d’administration spécial ainsi composé :
- du gouverneur de la Guyane ;
- du chef de service judiciaire de la Guyane ;
- de l’officier des troupes stationnées en Guyane le plus élevé en grade ;
- de 2 notables nommés pour 3 ans par décret et sur proposition du gouverneur de la Guyane ;
- d’un secrétaire archiviste désigné par arrêté gubernatorial ».
La troisième décennie du XX° siècle fut pour la Guyane une période de marasme économique et de fièvre politique. En effet, après l’effondrement des cours des principaux produits d’exportation ( balata, or, essences de bois de rose, rhum ) le pays allait être secoué par les tumultueuses campagnes législatives, mettant aux prises les partisans de Lautier et les sympathisants de Jean Galmot.
Après la mort troublante de ce dernier en 1928, il s’avérait matériellement impossible de remettre le pays en valeur, tant les politiques qui influaient sur les esprits et les membres du Conseil Général étaient divisées.
Aussi les débats à l’Assemblée Nationale sur la situation économique de la Guyane soulignèrent que le redressement de la colonie ne pouvait se faire que de l’intérieur. C’est-à-dire, d’un territoire qu’il convenait de créer dans l’hinterland guyanais, et qui en outre ne serait pas soumis au contrôle du Conseil Général.
C’est ainsi, qu’une première loi ( loi du 19 mai 1930 ) dotait ce futur territoire d’une subvention de deux millions de francs pour la réalisation d’un programme de mise en valeur, et l’établissement immédiat de deux postes administratifs.
Le décret instituant le Territoire de l’Inini parut au journal officiel le 6 juin 1930. Ce décret énonçait « le territoire serra une unité administrative autonome, placée directement sous l’autorité du gouverneur de la Guyane chargé des fonctions de gouverneur de l’Inini. Il aura la responsabilité civile, son budget propre élaboré et approuvé par décret (subventions de l’Etat).
Ce territoire relèvera au point de vue judiciaire des tribunaux de la Guyane. Il sera administré par des fonctionnaires placés sous les ordres du gouverneur de la Guyane ». Après une délimitation précise du territoire de l’Inini, le décret ajoutait « Le gouverneur de la Guyane, chargé des fonctions de gouverneur de l’Inini, sera assisté d’un conseil d’administration spécial ainsi composé :
- du gouverneur de la Guyane ;
- du chef de service judiciaire de la Guyane ;
- de l’officier des troupes stationnées en Guyane le plus élevé en grade ;
- de 2 notables nommés pour 3 ans par décret et sur proposition du gouverneur de la Guyane ;
- d’un secrétaire archiviste désigné par arrêté gubernatorial ».
Les emplacements des E.P.S. en 1933
2 – L’installation des Etablissements Pénitentiaires Spéciaux (E.P.S.)
Le Territoire autonome de l’Inini disposant des organes indispensables à son fonctionnement il devenait possible d’entreprendre les premiers travaux d’aménagement des postes administratifs de ce territoire ( Paul Isnard et Saint-Elie ). Et le 22 janvier 1931, un décret créait officiellement les trois E.P.S. de l’Inini destinés aux condamnés indochinois.
- Crique Anguille, sur la rivière Tonnégrande ;
- Saut Tigre, sur le fleuve Sinnamary ;
- La Forestière sur le Maroni, qui était un ancien camp de la transportation.
Une nouvelle équipe de 60 condamnés aux travaux forcés fut aussitôt mise à la disposition du territoire de l’Inini pour les premiers travaux de déforestation, d’amorces de sentiers et de délimitations des camps. Cependant, lorsque le 3 juin 1931 les 523 condamnés indochinois arrivèrent en Guyane, aucun des trois camps n’était en mesure de les accueillir. Ils furent donc provisoirement enfermés au pénitencier de la pointe Buzaré à Cayenne et occupés à confectionner des éventails, des lampions, des lanternes et autres objets en carton, écoulés ensuite sur le marché local. Seul 30 d’entre eux, escortés par des tirailleurs sénégalais, se rendaient tous les jours au palais du gouverneur afin d’effectuer des travaux de nettoyage et de jardinage.
Au dépôt, la détention commençait à peser et les condamnés, de plus en plus rudoyés, entamèrent une grève de la faim que les gardes-chiourmes tentèrent d’étouffer immédiatement et brutalement. La tension atteignit son paroxysme lorsque plusieurs détenus attentèrent à la vie d’un gardien. Dès lors, le transfert fut décidé en toute hâte. Le 19 septembre 1931 et les jours suivants, 395 condamnés indochinois furent dirigés au camp de Crique Anguille qui devenait en même temps, chef-lieu de la circonscription du Centre. Le ressort de la circonscription du Centre comprenait le bassin supérieur de la rivière Iracoubo, le bassin des fleuves Kourou et Sinnamary, ainsi que le bassin rive gauche de la rivière Comté.
Les autres ( sauf cinq qui furent mis à la disposition du gouverneur ) restèrent à la pointe Buzaré jusqu’en janvier 1932, date à laquelle ils furent envoyés à La Forestière, poste qui est devenu chef-lieu de la circonscription de l’Ouest qui s’étendait sur le bassin des fleuves Mana et Maroni.
En 1933, 200 indochinois quittèrent Crique Anguille pour Saut Tigre et Saut Vata sur le Sinnamary. Ce sont finalement les condamnés eux-mêmes qui à Saut Tigre et à Crique Anguille, durent aménager entièrement leur camp, aussi bien les bâtiments que les travaux d’infrastructure.
Le Territoire autonome de l’Inini disposant des organes indispensables à son fonctionnement il devenait possible d’entreprendre les premiers travaux d’aménagement des postes administratifs de ce territoire ( Paul Isnard et Saint-Elie ). Et le 22 janvier 1931, un décret créait officiellement les trois E.P.S. de l’Inini destinés aux condamnés indochinois.
- Crique Anguille, sur la rivière Tonnégrande ;
- Saut Tigre, sur le fleuve Sinnamary ;
- La Forestière sur le Maroni, qui était un ancien camp de la transportation.
Une nouvelle équipe de 60 condamnés aux travaux forcés fut aussitôt mise à la disposition du territoire de l’Inini pour les premiers travaux de déforestation, d’amorces de sentiers et de délimitations des camps. Cependant, lorsque le 3 juin 1931 les 523 condamnés indochinois arrivèrent en Guyane, aucun des trois camps n’était en mesure de les accueillir. Ils furent donc provisoirement enfermés au pénitencier de la pointe Buzaré à Cayenne et occupés à confectionner des éventails, des lampions, des lanternes et autres objets en carton, écoulés ensuite sur le marché local. Seul 30 d’entre eux, escortés par des tirailleurs sénégalais, se rendaient tous les jours au palais du gouverneur afin d’effectuer des travaux de nettoyage et de jardinage.
Au dépôt, la détention commençait à peser et les condamnés, de plus en plus rudoyés, entamèrent une grève de la faim que les gardes-chiourmes tentèrent d’étouffer immédiatement et brutalement. La tension atteignit son paroxysme lorsque plusieurs détenus attentèrent à la vie d’un gardien. Dès lors, le transfert fut décidé en toute hâte. Le 19 septembre 1931 et les jours suivants, 395 condamnés indochinois furent dirigés au camp de Crique Anguille qui devenait en même temps, chef-lieu de la circonscription du Centre. Le ressort de la circonscription du Centre comprenait le bassin supérieur de la rivière Iracoubo, le bassin des fleuves Kourou et Sinnamary, ainsi que le bassin rive gauche de la rivière Comté.
Les autres ( sauf cinq qui furent mis à la disposition du gouverneur ) restèrent à la pointe Buzaré jusqu’en janvier 1932, date à laquelle ils furent envoyés à La Forestière, poste qui est devenu chef-lieu de la circonscription de l’Ouest qui s’étendait sur le bassin des fleuves Mana et Maroni.
En 1933, 200 indochinois quittèrent Crique Anguille pour Saut Tigre et Saut Vata sur le Sinnamary. Ce sont finalement les condamnés eux-mêmes qui à Saut Tigre et à Crique Anguille, durent aménager entièrement leur camp, aussi bien les bâtiments que les travaux d’infrastructure.
cachot d'isolement
Quelques problèmes avec l’emplacement des camps:
L’emplacement des camps n’a pas été choisi arbitrairement, il répondait à deux impératifs :
- accès faciles, d’où la nécessité d’une implantation le long d’un cours d’eau et suffisamment en amont pour être inclus dans le territoire de l’Inini, mais en deçà des premiers sauts qui auraient entraînés une rupture de charge ;
- ne pas être trop éloigné des centres d’approvisionnement.
Ces critères ont donc prévalu en faveur de trois établissements :
- La Forestière n’est qu’à 5 heures de pirogue de Saint-Laurent-du-Maroni ;
- Saut Tigre à 6 heures de Sinnamary ;
- Crique Anguille – Port Inini à 2 heures de Cayenne.
A Saut Tigre et à La Forestière, l’occupation des terrains n’a pas soulevé de problème majeur puisque faisant partie du domaine ou des biens de l’Administration Pénitentiaire. Par contre, à Crique Anguille, la totalité du camp ( 341 ha. ) s’étendait sur des terrains privés appartenant à dix propriétaires dont l’un, les épouses Léonie et Prudence Boudaud ( propriétés Patawa et Jeune Cléomène ) détenait 260 ha.
Si la majorité des propriétaires se sont accommodés de faibles loyers consentis, les épouses Boudaud se sont toujours montrées hostiles à cette mainmise et refusèrent les modestes offres d’achat ou de location faites par les gouverneurs successifs.
- accès faciles, d’où la nécessité d’une implantation le long d’un cours d’eau et suffisamment en amont pour être inclus dans le territoire de l’Inini, mais en deçà des premiers sauts qui auraient entraînés une rupture de charge ;
- ne pas être trop éloigné des centres d’approvisionnement.
Ces critères ont donc prévalu en faveur de trois établissements :
- La Forestière n’est qu’à 5 heures de pirogue de Saint-Laurent-du-Maroni ;
- Saut Tigre à 6 heures de Sinnamary ;
- Crique Anguille – Port Inini à 2 heures de Cayenne.
A Saut Tigre et à La Forestière, l’occupation des terrains n’a pas soulevé de problème majeur puisque faisant partie du domaine ou des biens de l’Administration Pénitentiaire. Par contre, à Crique Anguille, la totalité du camp ( 341 ha. ) s’étendait sur des terrains privés appartenant à dix propriétaires dont l’un, les épouses Léonie et Prudence Boudaud ( propriétés Patawa et Jeune Cléomène ) détenait 260 ha.
Si la majorité des propriétaires se sont accommodés de faibles loyers consentis, les épouses Boudaud se sont toujours montrées hostiles à cette mainmise et refusèrent les modestes offres d’achat ou de location faites par les gouverneurs successifs.
Aujourd’hui, de ces camps, il ne reste que de rares vestiges noyés dans une végétation luxuriante qui a repris ses droits.
On trouve à La Forestière quelques pans de mur et des piliers de briques et à Crique Anguille, 2 rangées de 16 cachots d'isolement de 2 mètres sur 1, seuls témoins de ces bagnes des annamites qui ont résisté au temps, comme pour rappeler qu’ils étaient les pions de base de cette machine à broyer les hommes.
Au cachot par Francis Lagrange
La règlementation des Etablissements Pénitentiaires Spéciaux.
L’arrêté ministériel portant réglementation des camps pénitentiaires spéciaux parut au journal officiel de la Guyane le 19 mai 1931. Il comportait une réglementation unique applicable à l’ensemble des Indochinois, tous condamnés à des peines de droit commun, bien qu’une partie d’entre eux aient été condamnés politiques, en majorité des membres du V.N.Q.D.D. et une douzaine étaient des communistes. Cette réglementation précise, dans ses dispositions générales, que les Etablissements Pénitentiaires Spéciaux étaient placés sous l’autorité du gouverneur de l’Inini, et que les dépenses d’entretien sont regroupées dans un même chapitre du budget du Territoire, et qu’elles sont remboursées par l’Indochine qui doit verser au début de chaque exercice une provision dont le montant est fixé par le ministre des colonies.
CLASSEMENT DES CONDAMNÉS :
L’article 19 du titre V de l’arrêté indique que les condamnés sont repartis en 3 classes déterminées d’après la situation pénale, la conduite et l’assiduité au travail de chacun d’eux :
- la 3ème classe regroupe les hommes qui n’ont donné aucun signe d’amendement, et dont la peine ne comporte pas d’adoucissement ;
- la 2ème classe comprend les condamnés ayant déjà une bonne conduite et paraissant animés de se repentir.
- la 1ère classe est composée des éléments qui reviennent résolument au bien et auxquels peuvent être consenties quelques faveurs. Celles-ci sont déterminées par arrêté du gouverneur soumis à l’approbation du ministre des colonies.
Afin de déterminer le degré d’amendement du condamné, il lui était donné pendant son séjour dans l’Inini, par les soins des commissions disciplinaires, une note trimestrielle tenant compte de sa conduite et de son application au travail. Les notes d’amendement sont chiffrées dans chaque classe de 0 à 10 selon un tableau précis. Pour pouvoir être proposé pour la classe supérieure, le condamné doit au moment de la proposition :
- d’une part réunir un temps minimum de peine ( 2 ans de peine dans les E.P.S. pour le passage de la 3ème à la 2ème classe – 1 an, 1 an et 6 mois ou 2 ans pour l’admission en 1ère classe pour les individus condamnés respectivement à moins de 10 ans, entre 10 et 20 ans ou à plus de 20 ans de travaux forcés )
- d’autre part, avoir obtenu sans interruption la mention « bien » pendant les quatre derniers trimestres qui précèdent immédiatement la proposition.
Il faut signaler que toute punition disciplinaire de 8 jours de cellule au moins abaisse d’un point la note du trimestre et que la descente de classe peut être prononcée pour faute grave ou mauvaise conduite persistante par décision du gouverneur sur proposition de la commission disciplinaire.
ALIMENTATION ET EQUIPEMENT :
La ration journalière des condamnés est fixée par l’article 5 du titre II comme suit :
- riz sec …………………………………… 700g.
- viande fraîche ou de conserves
- ou poisson sec …………........ 200g.
- légumes verts ou fruits ………. 300g.
- légumes secs ……………………… 150g.
- sel ……………………………………….... 20g.
- thé ………………………………………..… 5g.
- graisse ……………………………………. 20g.
- nuoc man ………………………………… 15g.
Il est effectué en outre les délivrances de pâtes azotées d’après les prescriptions médicales pour la prévention et le traitement du béri-béri ( 20g. à 40g. par jour et par homme ). D’autre part, la consommation d’alcools est interdite.
Le trousseau du condamné est composé comme suit :
- chapeau de modèle indigène
- 2 collections de vêtements de toile
- une couverture de laine
- 2 serviettes de toilette
- une paire de chaussures
- une paire de molletières du modèle adopté en Indochine
- une gamelle, un quart et une cuiller
- une brosse à laver
- un manteau de pluie en paille du modèle courant en Indochine
- une moustiquaire
- une vareuse en laine
En outre, il est délivré aux condamnés du savon à raison de 200g. par semaine et par homme.
REGIME DISCIPLINAIRE :
Les punitions disciplinaires pouvant être infligées aux condamnés en cours de peine dans les E.P.S. comprennent, suivant la gravité des cas :
- la prison de nuit qui ne peut excéder 15 jours pour la même infraction
- la cellule qui ne peut excéder 60 jours pour la même infraction
La prison de nuit est subie dans un local où l’homme est seul et où il est maintenu par la boucle simple. Pendant la journée, il sera astreint au travail et bénéficiera de la ration normale des condamnés.
Les hommes punis de cellule sont enfermés isolément et sont astreints au travail d’après une tâche déterminée. De plus, la punition de cellule entraîne la mise au pain sec ou au riz un jour sur trois.
Au chef-lieu de chaque circonscription du Territoire, il est constitué une commission disciplinaire présidée par le chef de circonscription et dont la composition est déterminée par arrêté du gouverneur et c’est elle qui prononce les punitions. Les condamnés de 3ème classe, dont la conduite donne lieu à de graves reproches, malgré les sanctions disciplinaires qui leur sont infligées, sont séparés des autres condamnés et internés dans des quartiers spéciaux ou affectés à des chantiers particulièrement pénibles comme ceux du camp de La Forestière, sur le Maroni.
EMPLOI DE LA MAIN-D’ŒUVRE :
Les condamnés internés dans les E.P.S. sont employés sur les chantiers administratifs de l’Inini pour l’exécution des travaux publics ou dans les exploitations agricoles pénitentiaires. Ils sont astreints au travail tous les jours de la semaine sauf le dimanche et les jours fériés. En principe, la durée du travail effectif était de 9 à 10h. par jour, coupé par un intervalle de 2h. 30 consacrés au repas et au repos.
Dans tous les cas où le condamné de 1ère classe est employé sur les exploitations ou chantiers administratifs, il bénéficie pour la journée de travail d’une allocation qui est versée sur son pécule. Des condamnés de 1ère classe peuvent être mis à titre exceptionnel, à la disposition des particuliers mais exclusivement pour l’exécution de travaux d’utilité publique. La redevance d’un totale de 10F. par journée d’emploi, due par les concessionnaires, est fixée de la façon suivante :
- 8,70F. au profit du budget de l’Indochine ;
- 0,30F. versé au pécule du condamné ;
- 1F. au profit du budget de l’Inini.
Sur les chantiers éloignés des pénitenciers, le personnel de surveillance et les condamnés sont logés dans un camp établi aux frais de concessionnaire.
Il est créé en faveur des condamnés un pécule divisé en deux parties :
- le pécule disponible, tenu à la disposition des condamnés et pouvant être employé en menus achats ;
- le pécule réservé , destiné à constituer au condamné un fonds pouvant assurer son existence pendant les premières semaines qui suivent sa libération.
Cette réglementation subit par la suite quelques modifications : par exemple, les redevances dues par les concessionnaires de main-d’œuvre pénale des E.P.S. étaient en 1944 de 3F. pour l’Indochine, 1F. pour le condamné et 1F. pour l’Inini, soit un total de 5F. De même, la concession de main d’œuvre aux particuliers qui ne concernait que les condamnés de 1ère classe fut élargie en 1944 aux condamnés de 2ème et 3ème classes par suit de la diminution des effectifs.
CLASSEMENT DES CONDAMNÉS :
L’article 19 du titre V de l’arrêté indique que les condamnés sont repartis en 3 classes déterminées d’après la situation pénale, la conduite et l’assiduité au travail de chacun d’eux :
- la 3ème classe regroupe les hommes qui n’ont donné aucun signe d’amendement, et dont la peine ne comporte pas d’adoucissement ;
- la 2ème classe comprend les condamnés ayant déjà une bonne conduite et paraissant animés de se repentir.
- la 1ère classe est composée des éléments qui reviennent résolument au bien et auxquels peuvent être consenties quelques faveurs. Celles-ci sont déterminées par arrêté du gouverneur soumis à l’approbation du ministre des colonies.
Afin de déterminer le degré d’amendement du condamné, il lui était donné pendant son séjour dans l’Inini, par les soins des commissions disciplinaires, une note trimestrielle tenant compte de sa conduite et de son application au travail. Les notes d’amendement sont chiffrées dans chaque classe de 0 à 10 selon un tableau précis. Pour pouvoir être proposé pour la classe supérieure, le condamné doit au moment de la proposition :
- d’une part réunir un temps minimum de peine ( 2 ans de peine dans les E.P.S. pour le passage de la 3ème à la 2ème classe – 1 an, 1 an et 6 mois ou 2 ans pour l’admission en 1ère classe pour les individus condamnés respectivement à moins de 10 ans, entre 10 et 20 ans ou à plus de 20 ans de travaux forcés )
- d’autre part, avoir obtenu sans interruption la mention « bien » pendant les quatre derniers trimestres qui précèdent immédiatement la proposition.
Il faut signaler que toute punition disciplinaire de 8 jours de cellule au moins abaisse d’un point la note du trimestre et que la descente de classe peut être prononcée pour faute grave ou mauvaise conduite persistante par décision du gouverneur sur proposition de la commission disciplinaire.
ALIMENTATION ET EQUIPEMENT :
La ration journalière des condamnés est fixée par l’article 5 du titre II comme suit :
- riz sec …………………………………… 700g.
- viande fraîche ou de conserves
- ou poisson sec …………........ 200g.
- légumes verts ou fruits ………. 300g.
- légumes secs ……………………… 150g.
- sel ……………………………………….... 20g.
- thé ………………………………………..… 5g.
- graisse ……………………………………. 20g.
- nuoc man ………………………………… 15g.
Il est effectué en outre les délivrances de pâtes azotées d’après les prescriptions médicales pour la prévention et le traitement du béri-béri ( 20g. à 40g. par jour et par homme ). D’autre part, la consommation d’alcools est interdite.
Le trousseau du condamné est composé comme suit :
- chapeau de modèle indigène
- 2 collections de vêtements de toile
- une couverture de laine
- 2 serviettes de toilette
- une paire de chaussures
- une paire de molletières du modèle adopté en Indochine
- une gamelle, un quart et une cuiller
- une brosse à laver
- un manteau de pluie en paille du modèle courant en Indochine
- une moustiquaire
- une vareuse en laine
En outre, il est délivré aux condamnés du savon à raison de 200g. par semaine et par homme.
REGIME DISCIPLINAIRE :
Les punitions disciplinaires pouvant être infligées aux condamnés en cours de peine dans les E.P.S. comprennent, suivant la gravité des cas :
- la prison de nuit qui ne peut excéder 15 jours pour la même infraction
- la cellule qui ne peut excéder 60 jours pour la même infraction
La prison de nuit est subie dans un local où l’homme est seul et où il est maintenu par la boucle simple. Pendant la journée, il sera astreint au travail et bénéficiera de la ration normale des condamnés.
Les hommes punis de cellule sont enfermés isolément et sont astreints au travail d’après une tâche déterminée. De plus, la punition de cellule entraîne la mise au pain sec ou au riz un jour sur trois.
Au chef-lieu de chaque circonscription du Territoire, il est constitué une commission disciplinaire présidée par le chef de circonscription et dont la composition est déterminée par arrêté du gouverneur et c’est elle qui prononce les punitions. Les condamnés de 3ème classe, dont la conduite donne lieu à de graves reproches, malgré les sanctions disciplinaires qui leur sont infligées, sont séparés des autres condamnés et internés dans des quartiers spéciaux ou affectés à des chantiers particulièrement pénibles comme ceux du camp de La Forestière, sur le Maroni.
EMPLOI DE LA MAIN-D’ŒUVRE :
Les condamnés internés dans les E.P.S. sont employés sur les chantiers administratifs de l’Inini pour l’exécution des travaux publics ou dans les exploitations agricoles pénitentiaires. Ils sont astreints au travail tous les jours de la semaine sauf le dimanche et les jours fériés. En principe, la durée du travail effectif était de 9 à 10h. par jour, coupé par un intervalle de 2h. 30 consacrés au repas et au repos.
Dans tous les cas où le condamné de 1ère classe est employé sur les exploitations ou chantiers administratifs, il bénéficie pour la journée de travail d’une allocation qui est versée sur son pécule. Des condamnés de 1ère classe peuvent être mis à titre exceptionnel, à la disposition des particuliers mais exclusivement pour l’exécution de travaux d’utilité publique. La redevance d’un totale de 10F. par journée d’emploi, due par les concessionnaires, est fixée de la façon suivante :
- 8,70F. au profit du budget de l’Indochine ;
- 0,30F. versé au pécule du condamné ;
- 1F. au profit du budget de l’Inini.
Sur les chantiers éloignés des pénitenciers, le personnel de surveillance et les condamnés sont logés dans un camp établi aux frais de concessionnaire.
Il est créé en faveur des condamnés un pécule divisé en deux parties :
- le pécule disponible, tenu à la disposition des condamnés et pouvant être employé en menus achats ;
- le pécule réservé , destiné à constituer au condamné un fonds pouvant assurer son existence pendant les premières semaines qui suivent sa libération.
Cette réglementation subit par la suite quelques modifications : par exemple, les redevances dues par les concessionnaires de main-d’œuvre pénale des E.P.S. étaient en 1944 de 3F. pour l’Indochine, 1F. pour le condamné et 1F. pour l’Inini, soit un total de 5F. De même, la concession de main d’œuvre aux particuliers qui ne concernait que les condamnés de 1ère classe fut élargie en 1944 aux condamnés de 2ème et 3ème classes par suit de la diminution des effectifs.
Le fonctionnement des Etablissements Pénitentiaires Spéciaux.
1 – Les travaux d’infrastructure.
Le but avoué de l’utilisation de la main-d’œuvre pénale asiatique était la mise en valeur du vaste hinterland guyanais que constituait l’Inini. Aussi, un vaste programme d’infrastructure routière fut décidé. Dans un premier temps, il s’agissait de désenclaver chaque camp : ainsi Crique Anguille, Saut Tigre et La Forestière devaient respectivement rejoindre par la route Cayenne, Sinnamary et Saint-Laurent.
Dans un deuxième temps, on prévoyait de relier les trois pénitenciers entre eux par une piste, laquelle devait desservir également certains centres d’orpaillage comme Saint-Elie, Délice et Paul Isnard.
Cependant, au cours des premières années, les condamnés asiatiques furent principalement occupés à l’aménagement de leur camp : déforestation, travaux de drainage, mise en place d’une voie ferrée entre Port Inini et Crique Anguille, construction de débarcadères, de braquements et des divers bâtiments fonctionnels. Presque toutes les constructions, à l’exclusion des abris sommaires en bois, reposaient sur une dalle en béton ou sur des supports en briques surélevés et comportaient une charpente métallique avec des murs de gaulettes ou de planches.
A Crique Anguille, les cachots (voir photo ci-dessus) et les W.C. en béton ont bien résistés aux ans ; le four, malheureusement, a subi de regrettables déprédations imputables aux collectionneurs de briques marquées. A Saut Tigre, une briqueterie permettait de produire les matériaux utilisés pour l’édification des bâtiments en dur.
A partit de 1934, ces travaux en partie terminés, l’effort va se porter sur la construction des pistes. Au départ de Saut Tigre furent amorcées deux pistes, larges de 4 m. , l’une en direction de Saut Vata à 20 km. en amont du fleuve, l’autre vers Kérenroch à 15 km. en aval. La main-d’œuvre pénale nécessaire à chacun des deux camps était de l’ordre de 20 à 25 hommes. Les deux pistes achevées en 1938, furent doublées par une ligne téléphonique. La piste Kérenroch devait en principe longer le fleuve jusqu’à Sinnamary, mais le projet fut abandonné.
Le tracé d’une troisième piste qui devait rejoindre Saut Vata au poste de La Forestière fut reconnu par l’équipe dirigée par le lieutenant Némo de la compagnie sénégalaise de l’Inini. Le lieutenant Némo, élevé plus tard au grade de général, fut en 1961 le fondateur en Guyane du Service Militaire Adapté ( S.M.A.) - Unités que l’on trouve encore en Guyane à Cayenne au Camp du Tigre et à Saint-Jean-du-Maroni au quartier Général Némo - A l’occasion de cette ouverture de piste, un pont métallique fut construit à Saut Vata sur le Sinnamary. Mais seul le tronçon de La Forestière à Paul Isnard connut un début de réalisation. En juillet 1935, l’interruption des travaux sur ce tronçon fut décidée mais il ne furent jamais repris. D’ailleurs un mois plus tard, un arrêté gubernatorial supprimait le poste pénitentiaire de La Forestière et les condamnés asiatiques de ce camp furent ventilés sur Saut Tigre et sur Crique Anguille.
C’est à partir de ces deux camps que tous les efforts seront portés et le gouverneur dota le territoire de l’Enini de moyens plus importants (tracteurs, dessoucheuses, rouleau compresseur) et confia la direction des chantiers à des civils. Il y avait trois chantiers : la « mission Thiéblemont » au départ de Matoury, la « mission Roux » au départ de la Crique Anguille et la « mission Amusant » au départ de Saut Vata. L’équipe dirigée par M. Thiéblemont Marceau était chargée de construire une piste entre Matoury et Crique Anguille. Elle comprenait plusieurs civils (ajusteurs, mécaniciens, …) et une douzaine de bagnards de l’A.P. de Cayenne. Le sentier qui existait de Matoury à la Rivière du Tour de l’Ile fut élargi et un pont métallique fut monté. En avril 1936, le pont sur la rivière des Cascades était réalisé et à la fin de la même année, la rivière de Tonnégrande était franchie.
A partir de là, c’est-à-dire de Port Inini, les condamnés asiatiques remplacèrent les bagnards de Cayenne et la piste fut construite le long de la voie ferrée jusqu’à Crique Anguille, puis bifurquait vers le nord et suivait les anciens « chemins de l’esclavage » (chemins qui auraient été empruntés par les esclaves marrons au XVIII° eu début du XIX° siècles), et en 1938, un pont était jeté sur la rivière de Montsinéry. Cette piste ne permettait malheureusement pas la circulation des véhicules automobiles et, pour se rendre à Port Inini, il fallait continuer à utiliser la voie fluviale. Cependant, à partir de 1937, une ligne téléphonique reliait Crique Anguille à Cayenne.
Le but avoué de l’utilisation de la main-d’œuvre pénale asiatique était la mise en valeur du vaste hinterland guyanais que constituait l’Inini. Aussi, un vaste programme d’infrastructure routière fut décidé. Dans un premier temps, il s’agissait de désenclaver chaque camp : ainsi Crique Anguille, Saut Tigre et La Forestière devaient respectivement rejoindre par la route Cayenne, Sinnamary et Saint-Laurent.
Dans un deuxième temps, on prévoyait de relier les trois pénitenciers entre eux par une piste, laquelle devait desservir également certains centres d’orpaillage comme Saint-Elie, Délice et Paul Isnard.
Cependant, au cours des premières années, les condamnés asiatiques furent principalement occupés à l’aménagement de leur camp : déforestation, travaux de drainage, mise en place d’une voie ferrée entre Port Inini et Crique Anguille, construction de débarcadères, de braquements et des divers bâtiments fonctionnels. Presque toutes les constructions, à l’exclusion des abris sommaires en bois, reposaient sur une dalle en béton ou sur des supports en briques surélevés et comportaient une charpente métallique avec des murs de gaulettes ou de planches.
A Crique Anguille, les cachots (voir photo ci-dessus) et les W.C. en béton ont bien résistés aux ans ; le four, malheureusement, a subi de regrettables déprédations imputables aux collectionneurs de briques marquées. A Saut Tigre, une briqueterie permettait de produire les matériaux utilisés pour l’édification des bâtiments en dur.
A partit de 1934, ces travaux en partie terminés, l’effort va se porter sur la construction des pistes. Au départ de Saut Tigre furent amorcées deux pistes, larges de 4 m. , l’une en direction de Saut Vata à 20 km. en amont du fleuve, l’autre vers Kérenroch à 15 km. en aval. La main-d’œuvre pénale nécessaire à chacun des deux camps était de l’ordre de 20 à 25 hommes. Les deux pistes achevées en 1938, furent doublées par une ligne téléphonique. La piste Kérenroch devait en principe longer le fleuve jusqu’à Sinnamary, mais le projet fut abandonné.
Le tracé d’une troisième piste qui devait rejoindre Saut Vata au poste de La Forestière fut reconnu par l’équipe dirigée par le lieutenant Némo de la compagnie sénégalaise de l’Inini. Le lieutenant Némo, élevé plus tard au grade de général, fut en 1961 le fondateur en Guyane du Service Militaire Adapté ( S.M.A.) - Unités que l’on trouve encore en Guyane à Cayenne au Camp du Tigre et à Saint-Jean-du-Maroni au quartier Général Némo - A l’occasion de cette ouverture de piste, un pont métallique fut construit à Saut Vata sur le Sinnamary. Mais seul le tronçon de La Forestière à Paul Isnard connut un début de réalisation. En juillet 1935, l’interruption des travaux sur ce tronçon fut décidée mais il ne furent jamais repris. D’ailleurs un mois plus tard, un arrêté gubernatorial supprimait le poste pénitentiaire de La Forestière et les condamnés asiatiques de ce camp furent ventilés sur Saut Tigre et sur Crique Anguille.
C’est à partir de ces deux camps que tous les efforts seront portés et le gouverneur dota le territoire de l’Enini de moyens plus importants (tracteurs, dessoucheuses, rouleau compresseur) et confia la direction des chantiers à des civils. Il y avait trois chantiers : la « mission Thiéblemont » au départ de Matoury, la « mission Roux » au départ de la Crique Anguille et la « mission Amusant » au départ de Saut Vata. L’équipe dirigée par M. Thiéblemont Marceau était chargée de construire une piste entre Matoury et Crique Anguille. Elle comprenait plusieurs civils (ajusteurs, mécaniciens, …) et une douzaine de bagnards de l’A.P. de Cayenne. Le sentier qui existait de Matoury à la Rivière du Tour de l’Ile fut élargi et un pont métallique fut monté. En avril 1936, le pont sur la rivière des Cascades était réalisé et à la fin de la même année, la rivière de Tonnégrande était franchie.
A partir de là, c’est-à-dire de Port Inini, les condamnés asiatiques remplacèrent les bagnards de Cayenne et la piste fut construite le long de la voie ferrée jusqu’à Crique Anguille, puis bifurquait vers le nord et suivait les anciens « chemins de l’esclavage » (chemins qui auraient été empruntés par les esclaves marrons au XVIII° eu début du XIX° siècles), et en 1938, un pont était jeté sur la rivière de Montsinéry. Cette piste ne permettait malheureusement pas la circulation des véhicules automobiles et, pour se rendre à Port Inini, il fallait continuer à utiliser la voie fluviale. Cependant, à partir de 1937, une ligne téléphonique reliait Crique Anguille à Cayenne.